Point de vue : interview croisée de François Aublé, Président du Syndicat national des Régénérateurs de matières Plastiques et de Luc Peyrard, Directeur général de C2P France
Qu’est-ce qu’une MPR ?
François Aublé, Veka Recyclage
“MPR est l’abréviation de « Matières Premières de Recyclage » ou « Matières Premières Régénérées ». Ce sont des matières élaborées par des régénérateurs à partir de déchets provenant de multiples origines : ménages, agriculture, construction, tertiaire ou industrie. Elles viennent en substitution des matières premières et présentent un double avantage : elles sont de qualité égale à celles des matières premières et elles sont beaucoup plus écologiques. Leur production engendre entre 3 et 17 fois moins d’émission de CO2 que des matières issues de ressources naturelles et consomme jusqu’à 9 fois moins d’énergies non renouvelables. Le champ des possibles en termes d’applications est très large et se développe de manière exponentielle. La recherche de nouveaux débouchés est d’ailleurs un enjeu primordial pour consolider et pérenniser la filière.
Un exemple : dans mon entreprise VEKA Recyclage, nous recyclons les menuiseries PVC en fin de vie sur les chantiers, les centres de tri DIB ou les plateformes du bâtiment ainsi que des chutes de production auprès des menuiseries industrielles. Le PVC recyclé que nous produisons peut être utilisé dans de multiples applications comme les profils, tubes, sols, fenêtres, etc.”
Quelles sont les MPR produites par C2P ?
Luc Peyrard, C2P France
“Dans le cas de C2P, nous produisons des granules de rPP haut de gamme, c’est-à-dire du polypropylène recyclé. Nous parlons de notre côté de « compounds » car la valeur ajoutée de C2P est d’enrichir le polypropylène recyclé avec des adjuvants qui lui donnent certaines caractéristiques mécaniques ou physico-chimiques par exemple.
Bien que les applications de nos produits soient obligatoirement non-alimentaires du fait des déchets post-production et post-consommation que nous recyclons, leurs destinations sont très variées. Nous travaillons avec les constructeurs automobiles et leurs équipementiers mais aussi les secteurs du BTP, de l’horticulture, de l’emballage ou des équipements industriels. Historiquement C2P a été le premier recycleur homologué pour certaines applications extérieures dans le secteur automobile comme les passages de roues et dernièrement nos produits ont été aussi homologués pour des applications intérieures avec des contraintes de pièces visibles.”
Y-a-t-il encore des freins à l’utilisation des MPR en France ?
Luc Peyrard, C2P France
“En premier lieu, il faut d’abord noter que la France est un des pays les plus engagés dans la transition écologique en Europe. On a vu lors du Grand Débat National, les fortes convictions des français en faveur d’une économie et d’une consommation plus responsable. C’est le socle du projet de loi sur l’économie circulaire, d’autant qu’elle est un maillon essentiel de la réindustrialisation du pays.
Dans la réalité, l’utilisation des MPR se développe mais se heurte encore parfois à certains freins. Par exemple, le cadre réglementaire est très complexe du fait de la nature même de l’activité car il s’agit de collecter, stocker et transformer des déchets parfois dits dangereux. Sans compter que tous nos voisins ne jouent pas avec les mêmes règles du jeu. Le principal écueil réside encore dans l’image des MPR auprès de certaines directions des achats ou des consommateurs. Si tout le monde est unanime sur les avantages du recyclage, il y a encore des doutes sur la qualité d’un produit réalisé à partir de déchets. C’est un enjeu d’image et de pédagogie. C’est justement le rôle de la filière par l’entremise du SRP de combler ce déficit d’acceptation pour que les produits réalisés à partir de MPR aient la confiance et la préférence du consommateur.
Demain, les MPR seront un critère d’importance pour les consommateurs. Toute la filière est engagée dans cette démarche responsable pour répondre aux attentes d’aujourd’hui et de demain.”
Quelles sont les actions du SRP pour développer l’utilisation des MPR ?
François Aublé, Veka Recyclage
“L’une des missions premières du SRP que j’ai l’honneur de présider est bien évidemment de développer l’usage des MPR par les donneurs d’ordre industriels, afin de donner au recyclage toute la place qui lui revient dans le cycle de vie des produits plastiques. Notre engagement quotidien est de créer des conditions économiques viables favorables au développement de cette jeune industrie qui répond aux attentes sociétales actuelles. Pour dépasser les idées reçues, il faut combler ce déficit d’image et donner confiance dans nos produits. Si je devais résumer notre action : un discours de preuve sur la qualité et sur l’atout environnemental des matières de nos adhérents.
Le SRP s’inscrit également dans une démarche de normalisation des MPR, toujours dans un souci d’apporter plus de preuve de la qualité intrinsèque des ces matières et rassurer autant les consomateurs finaux que le donneurs d’ordres et les concepteurs.
Je voudrais citer une initiative que le SRP a mis en place et qui est une première en Europe : les Certificats d’économie carbone. Ils permettent de quantifier, pour l’utilisateur industriel, l’économie carbone que permet l’utilisation de chaque tonne de MPR de nos adhérents, en substitution totale ou partielle de résines vierges. Ils se basent sur une étude de l’intégralité du processus de production des MPR que le SRP a réalisé en partenariat avec l’ADEME et l’ensemble des acteurs de la filière. Grâce aux MPR produits par nos adhérents, depuis le début de l’année 2019, le potentiel de CO2 économisés se monte à plus de 586 000 tonnes. C’est un levier formidable pour inciter et convaincre les donneurs d’ordres pour leurs achats ou la valorisation de leurs déchets.
Si nous sommes aussi favorables à la mise en place des Certificats d’incorporation matières, le grand atout des Certificats d’économie carbone est justement de déjà permettre de suivre et de tracer leur incorporation. En cela, ils sont une preuve tangible de l’intégration des MPR dans les processus de production. Toujours dans ce même objectif, nous soutenons également le projet de création d’une marque de qualité NF MPR.”
Luc Peyrard est Directeur général de C2P France, société pionnière dans le polypropylène recyclé depuis 1988 et adhérent au SRP.
François Aublé est Président du SRP, le Syndicat national des Régénérateurs de matières Plastiques et Président de la société VEKA Recyclage, spécialisée dans le recyclage du PVC.
Sur le même sujet, retrouvez la tribune de Luc Peyrard « Les légumes bio oui, le plastique recyclé… bof » sur le site Internet de L’Usine Nouvelle en cliquant-ici.